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2 mai 2011

Une histoire du polar

   Quelques jours avant la venue de Maxime Gillio, il me semble intéressant de vous faire profiter de cet article sur le roman policier, trouvé sur Marianne.fr.

Noir c'est noir : histoire du polar

 
Elie Arié - Tribune | Samedi 30 Avril 2011 à 16:01 |
Elie Arié revient sur l'histoire du roman policier, étroitement liée à l'histoire du XXème siècle.



 

L’histoire du roman policier du XXè siècle a connu trois grandes périodes successives et différentes – même s’il sera facile de m’opposer des exceptions :

1 - La première fut celle des « esprits supérieurement intelligents » : Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Auguste Dupin, etc. , qui, par la seule force du raisonnement déductif, résolvaient des énigmes dont la solution échappait à la police ; ce schéma fut poussé à son extrême par l’écrivain aveugle José Luis Borges, avec son personnage de Don Isidro Parodi, un condamné emprisonné auquel les policiers viennent soumettre les crimes qu’ils n’arrivent pas à résoudre, et dont il trouve la solution en réfléchissant sans sortir des quatre murs de sa cellule, alors qu’elle échappe aux enquêteurs qui peuvent observer les lieux du crime – et qui sont les vrais aveugles.

Ce genre littéraire était un jeu entre l’auteur et le lecteur, qui se « fait avoir » parce qu’il n’a pas prêté attention à certains indices ; bien entendu, pour que la solution échappe aux lecteurs particulièrement perspicaces, l’auteur est obligé de tricher, et de ne révéler, mine de rien,  certains éléments essentiels qu’à la fin ; mais pour que le lecteur ne se sente quand même pas trop idiot, le héros intelligent dialogue souvent ave un personnage encore plus bête que le lecteur (le dr. Watson chez Conan Doyle, Hastings chez Agatha Christie).

2 - Ce genre fut supplanté par l’apparition, aux Etats-Unis, du détective privé (Philip Marlowe, Sam Spade, etc.) né dans les années de la prohibition ; dans un univers de corruption généralisée à laquelle n’échappaient ni les politiques, ni les maires, ni les policiers (particulièrement balourds) du grand chef au simple flic de base toujours ripou, ce personnage, plus malin et débrouillard qu’intelligent, répondait à un besoin particulièrement vif à l’époque : celui de l’homme sinon honnête (il prend souvent des libertés avec la loi, s’introduit par effraction dans des domiciles ou vole des documents confidentiels) du moins moral et désintéressé : il ne fera jamais une crasse à la veuve, à l’orphelin ou aux faibles, et, lui même assez pauvre (il reçoit dans un cabinet minable et n’a jamais de quoi payer sa secrétaire), il risque souvent sa vie pour des clients encore plus pauvres ou insolvables ; dans une peinture sociologique assez cruelle et réaliste d’une société totalement  corrompue, il représente, en fait, le seul personnage vraiment imaginaire, celui de l’ « Incorruptible » (comme la série du même nom), celui de la société telle que les Américains auraient préféré qu’elle fût.

3 - Mais ces deux personnages, celui du « déductif de génie » comme celui du « détective privé désintéressé » avaient un défaut majeur : celui de ne pas exister dans la réalité. 

Dans la vraie vie, les crimes ne sont résolus –lorsqu’ils le sont- que par la police.
Survint alors la troisième étape du polar, dont les auteurs devaient fournir un énorme effort permanent de documentation sur la réalité des multiples lois et règlements toujours changeants dans le cadre desquels la police exerce son action, sur ses moyens matériels et leur insuffisance, sur les méthodes de la police scientifique, sur les compromissions avec d’indispensables « indics », sur les pressions subies pour pousser ou au contraire étouffer des affaires, sur les rivalités entre différentes polices et le domaine de compétence de chacune d’elles, sur leurs rapports conflictuels mais aussi de manipulation avec les médias, etc.

Ceci a donné lieu à un genre différent, bien plus proche de la réalité, et, souvent, sans héros principal ; les règles du genre ont été poussées à l’extrême par la saga « 87ème District » d’Ed Mc Bain, se déroulant sur plusieurs décennies, et dont le vrai personnage principal est un commissariat dans lequel passent différents flics, de toute nature et de tous caractères, jouant chacun à son tour un rôle tantôt essentiel tantôt tout à fait accessoire selon les différentes affaires qu’ils ont à traiter, qui se déroulent dans des quartiers et des milieux sociaux totalement différents d’une grande ville (imaginaire), et dont l’ensemble constitue une sorte de « Comédie Humaine » de la société américaine.

Mais ce genre qui se présente comme réaliste se heurte à une difficulté majeure : la plupart des  crimes sont soit élucidés très rapidement (leurs suites judiciaires, c’est autre chose, mais qui n’intéresse pas le lecteur), soit jamais ; et il est aussi impossible de publier un polar de trois pages qu’un polar se terminant par « et bien, voilà, on n’a pas trouvé, c’est encore un crime qui restera impuni » ; d’où la nécessité d’inventer des procédés  pour les « faire durer » en faisant se dérouler simultanément plusieurs affaires différentes dans un même épisode. 

4 - Aujourd’hui, le polar cherche à se renouveler en plaçant le lecteur dans un cadre exotique pour lui, soit dans le temps (Moyen-Âge : Ellis Peters), soit dans l’espace, d’où le succès actuel des polars étrangers, se déroulant dans des pays que nous connaissons mal, notamment scandinaves (suédois, islandais, norvégiens) et, à un moindre degré, chinois (He Jiahong, Qiu Xiaolong). Est-ce la voie de l’avenir, ou celle-ci trouvera-t-elle vite ses limites ? Le polar pourra-t-il trouver une quatrième voie, ou est-il destiné, comme le western au cinéma, à disparaître ?
 



 

 

 

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